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De Republikeinse, journal identitaire, populaire et socialiste flamand
30 décembre 2011

Ordre et progrès!


La pluie tombait drue mais ne parvenait pas à rafraîchir l’atmosphère étrangement tiédè de cette fin d’automne. Elise plissait les yeux pour observer au travers de la fenêtre fouettée par l’averse le fond du jardin où, dans quelques minutes, allait apparaître son mari.

Malgré le passage des années, elle n’aurait pour rien au monde manqué ce rituel quotidien : guetter le retour de son homme.

L’attente était peut-être moins nerveuse et impatiente que lors des premiers temps de leur union, les palpitations du cœur moins intensément charnelles, l’enthousiasme moins démonstratif, le sentiment s’était sans doute apaisé, policé, mais il avait gagné en profondeur ce qu’il avait perdu en violence et rien n’aurait arraché Elise à sa journalière vigie, de même qu’aucune force n’aurait été capable d’empêcher un généreux sourire de se dessiner sur son visage lorsque surgissait la silhouette de son époux.

Elle savait bien qu’elle n’était pas normale, un peu niaise et ridicule... On le lui avait tant répété…

Cet homme qui rentrait tous les soirs entre 19h30 et 19h45, était toujours le même, parfaitement identique, irrémédiablement semblable... Cela n’avait rien d’original ni d’étonnant… Bien moins excitant que la nouveauté, le changement, l’imprévu… Bien moins stimulant et valorisant que les jeux renouvelés de la séduction, de l’ambiguïté, du flirt et des aventures…

De plus, cet homme qu’elle attendait si sottement chaque soir avec un mélange de hâte et d’inquiétude était somme toute assez banal au regard des critères de la moderne admiration collective, ni très beau, ni très riche, ni très puissant. Or elle, fort jolie, mince et accorte, avait un « potentiel » dont elle n’avait pas, aux dires de presque tous, exploité toutes les possibilités, qu’elle n’avait pas monnayé au meilleur cours du marché, bref qu’elle avait quasiment bradé sans en obtenir toute la gamme des bénéfices que les habiles et les malicieuses savent si bien engranger.

Cette permanence sentimentale, cette persévérance amoureuse, qui n’étaient ni folle passion charnelle, ni exaltation mystique, ni obligation religieuse, ni convention sociale, déroutaient le plupart des observateurs et en dégoûtaient un grand nombre. Faite de tendresse, de complicité, de confiance, d’habitude et d’intérêts partagés – toutes choses méprisées car humbles et solides- leur relation faisait ricaner les nouveaux Homais de la débauche obligatoire.

Mais au déversement de verroterie clinquante qu’on tentait de lui faire prendre pour rivière de sublimes diamants, Elise préférait la franche simplicité d’un anneau d’argent de quelques grammes que personne ne l’avait contrainte à passer au doigt mais qui désormais l’obligeait à jamais, comme il avait obligé sa mère, sa grand-mère et trente génération avant elles. Elle était soumise à son choix et à ses serments et ne pouvait imaginer plus libre et douce servitude. Manquer de respect ou trahir l’homme qu’elle avait élu serait revenu à se cracher elle-même au visage, et c’est donc sans douleur ni mortification aucune, qu’elle incarnait, sans la théoriser ni la brandir comme un étendard, cette fidélité de corps et d’esprit et cet abandon à autrui que tant se plaisent à affirmer impossibles simplement parce qu’ils en sont incapables.

Elle aimait cet homme, non dans l’évanescence des béates mais dans l’obstination bouillonnante des courageuses, chacun se devant d’être ce qu’il avait promis, et y travaillant jour après jour avec la joie bienheureuse et l’application attentive des artisans à la fois inspirés et consciencieux.

source : Zentropa

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